Actualités — 21 novembre 2022 at 22 h 56 min

Sortie en salle du film de Jafar Panahi « Aucun Ours » (2022)

Ce mercredi 23 novembre sort en salle Aucun Ours de Jafar Panahi, présenté en septembre dernier à la 79ème Mostra de Venise où il remporta le Prix spécial du Jury, deux mois après l’arrestation de son auteur. Ce cinquième long métrage du cinéaste depuis sa condamnation en 2010, a été tourné, comme les quatre autres, sans autorisation, et est situé dans la même région que Trois visages (2018), son film précédent, qui avait pour décor l’Azerbaïjan iranien dont est originaire la famille maternelle de Panahi. Il s’agit ici plus particulièrement de l’Azerbaïjan occidentale à la frontière de la Turquie dans le village de Jouban près de la ville turque de Van.

À partir de ces deux lieux, deux histoires vont nous être racontées : la vie d’exilés de Zara et Bakhtiar, ayant quitté l’Iran depuis 10 ans et espérant rejoindre l’Europe, et l’idylle pourchassée et clandestine de Gozal et Soldouz qui contrevient à la tradition du village qui veut qu’une fille dès sa naissance soit promise à son futur époux. Ces deux trames sollicitent l’attention du réalisateur qui dirige à distance un film qui met en scène la vie des deux exilés et se retrouve mêlé malgré lui dans le scandale qui agite les habitants du village.

5346715.jpg-r_1280_720-f_jpg-q_x-xxyxx

Comme dans tous les derniers films de Panahi, Aucun Ours donne à voir une multitude d’écrans entre appareil photo et ordinateur. Cette prolifération des images nous oblige à nous interroger sur l’authenticité de ce que nous voyons. Existe-t-il encore une frontière entre la réalité et sa représentation ? La photographie des amoureux Gozal et Soldouz existe-t-elle vraiment ou est-elle l’invention d’un enfant de 9 ans qui prétend avoir vu le cinéaste prendre cette photo ? À quels moments assiste-t-on à une mise en scène ou à une captation de la réalité dans l’histoire de Zara et Bakhtiar ?

5360755.jpg-r_1280_720-f_jpg-q_x-xxyxx

Pour la première fois avec ce film, Jafar Panahi met en scène des acteurs vivant en Iran et d’autres appartenant à la diaspora. La critique portée par Zara contre le réalisateur qui chercherait à donner une image moins sombre de la réalité conduit ce dernier à renoncer à certaines conventions pour se rapprocher au plus près d’événements contemporains. En effet, par son refus d’un dénouement heureux, Aucun Ours donne le sentiment de montrer une image du présent de l’Iran et nous oblige, comme le cinéaste, à nous arrêter devant la réalité pour la regarder. Difficile de ne pas voir dans ce parti-pris, induit par la remarque de l’actrice, un geste prémonitoire à travers lequel le réalisateur semble anticiper sa propre situation comme celle de l’Iran depuis le 16 septembre.