Actualités — 16 janvier 2022 at 22 h 56 min

Sortie en salle des « Leçons persanes » (2020) de Vadim Perelman

Ce mercredi 19 janvier sort en salle Les Leçons persanes, cinquième long métrage de Vadim Perelman. Inspiré d’une pièce radiographique de Wolfgang Kohlhaase, « Création d’une langue », le film propose une réflexion complexe sur la survie, l’invention et la croyance jusqu’à la folie.

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Gilles, Juif belge vivant en France, est déporté en Allemagne en 1942. Conduit avec d’autres prisonniers pour être exécuté, il se fait passer pour un persan avec pour seul viatique un livre sur les Mythes de la Perse. Il est présenté à Klaus Koch, le chef du camp, qui désire apprendre le persan pour rejoindre à la fin de la guerre son frère avec lequel il est fâché et qui s’est installé en Iran au milieu des années 1930 par refus du nouveau pouvoir en Allemagne. Il demande à celui qu’il dit s’appeler Reza Joon de lui apprendre sa langue. Gilles va chercher un moyen pour mémoriser des milliers de mots sans commettre d’impairs.

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La force du film réside dans la précision des relations humaines qui nous sont décrites. Partageant l’inquiétude de Gilles, le spectateur se familiarise avec les personnes du camp (prisonniers et officiers). Des figures perçues une seule fois ou même absentes mais symbolisées par un objet, comme cet ours en peluche, s’inscrivent durablement dans la mémoire.

On peut se demander pourquoi le récit a choisi de se référer à la langue persane. En 1942, au moment où commence le film, l’Iran est depuis septembre 1941 sous contrôle des Alliés. Le refus du Shah Reza Pahlavi de remettre en cause la neutralité de l’Iran est dénoncé, permettant à l’Angleterre de sécuriser la raffinerie d’Abadan qui appartient à l’Anglo-Iranian Oil Company et de ravitailler l’URSS après le déclenchement de l’Opération Barbarossa le 22 juin 1941. La proximité économique de plus en plus grande de l’Iran avec l’Allemagne nazie était perçue comme une menace. C’est à Téhéran qu’aura lieu la première conférence réunissant Churchill, Roosevelt et Staline du 28 novembre au 1er décembre 1943. Cependant, avant même cette présence des troupes alliées en Iran, le pays, conformément à sa tradition millénaire datant de Cyrus avec la libération du peuple hébreu de Babylone en 539 avant J-C, était une terre de refuge, comme le permettait sa neutralité, notamment des juifs originaires d’Iran et d’Asie Centrale présents en France à travers l’intervention de l’ambassadeur d’Iran, Anoushirvan Sepahbodi.

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« Le Persan est une langue complexe » répète Gilles à Klaus Koch. L’expression utilisée traditionnellement par les Iraniens pour décrire leur langue est « Le Persan est une langue douce ». Celle-ci, « réinventée » par Gilles, devient un refuge. Comment alors ne pas penser à Shéhérazade ? N’est-ce pas sa leçon faisant appel aux pouvoirs des mots sur l’imaginaire comme sur le réel qu’applique Gilles sous le nom de Reza Joon ?

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