Réalisateurs — 22 septembre 2016 at 15 h 09 min

Mania Akbari

 Mania Akbari

1974, Téhéran

Réalisatrice, actrice, photographe, peintre

Artiste-peintre, Mania Akbari se fait remarquer dès sa première apparition dans Ten (2002) d’Abbas Kiarostami. Elle y interprète son propre rôle à l’intérieur d’une voiture qui sillonne Téhéran avec deux caméras embarquées. Le film composé de dix séquences offre un portrait de la condition des femmes en Iran et marque un tournant dans la carrière de Kiarostami et de Mania Akbari.

En effet, si Kiarostami, après Ten, va se consacrer de plus en plus à l’art vidéo, s’éloignant pour un temps de la fiction et se rapprochant des arts plastiques, c’est le chemin inverse qu’emprunte Mania Akbari. L’« auto-fiction » du film va être ainsi portée au carré deux ans plus tard avec 20 Fingers qui met en scène un couple à travers 7 plans séquences.

L’actrice apparaît aux côtés de Bijan Daneshmand, producteur du film et premier rôle masculin. L’œuvre éblouit par son audace formelle autant que par son propos où sont abordés tous les thèmes du couple : de la virginité à l’homosexualité en passant par l’avortement sans fausse pudeur ni tabou. On pense parfois à Voyage à Deux (1967) de Stanley Donen avec Andrey Hepburn et Albert Finney sur un mode plus expérimental. Si on reconnaît l’approche de Kiarostami à travers l’utilisation de la caméra DV, l’écran noir ou la place accordée à la parole, le film se distingue toutefois par un travail d’acteurs avec lequel Kiarostami ne renouera que quelques années plus tard en signant Copie conforme (2010) et Like Someone in Love (2012).

En 2007, apprenant qu’elle est atteinte d’un cancer du sein, Mania Akbari décide de réaliser une suite libre à Ten. Ce sera Ten+4 (2007) où l’on retrouve son fils, Amin Maher, plus âgé, et sa sœur, Roya, déjà aperçue dans Ten. Comme le montre cet extrait, quatre ans après Ten, les rapports entre mère et fils se sont améliorés.

Malgré son sujet, Ten+4 apparaît comme un véritable hymne à la vie. L’opération de la poitrine subie par Mania Akbari lui inspire la vidéo In My Country, Men Have Breast (2012) où elle évoque à Karbala le souvenir de la guerre Iran-Irak et à nouveau la place des femmes en Iran.

En 2010, elle réalise un documentaire sur l’exécution d’un mineur en Iran : 30 minutes to 6 am, où elle s’interroge sur la notion de vengeance.

L’année suivante, elle imagine avec One, Two, One (2011) une histoire de chirurgie esthétique qui joue sur les possibilités du cinéma à travers l’expérimentation et le récit romanesque.

Puis ce sera From Tehran to London (2012-2013), film interrompu, commencé en Iran et repris mais laissé inachevé à Londres, où la réalisatrice vit depuis 2011.

C’est dans ce contexte qu’elle continue son travail à travers des expositions dans la continuité de la série de photographies This is ManiaThis is not Mania (2007-2010), mais aussi un livre de nouvelles : My Mother’s Black Chador (2013) publié par Nogaam, éditeur de livres électroniques en persan et en anglais basé à Londres et s’intéressant à des auteurs interdits de diffusion en Iran.

En 2014, Mania Akbari signe avec Mark Cousins Life May Be (2014), un documentaire poétique et autobiographique qui prend la forme d’une correspondance filmée.

Amin Maher, son fils, est également passé à la réalisation avec un premier court métrage : Sweet Gin and Cold Wine (2014), après avoir signé le « making of » de From Tehran to London (2012-2013), sous le titre Behind the scene From Tehran to London (2013)

Ainsi, à l’image des nombres, avec lesquels elle jongle dans ses films, établissant des correspondances, comme autant de trajets entre fiction et documentaire, culture et nature, homme et femme, Mania Akbari entraîne un véritable souffle avec elle, apparaissant comme une figure originale et attachante du cinéma iranien.

Si l’on pense parfois à Shirin Neshat à travers son parcours et son statut à la fois de plasticienne et de réalisatrice, son travail d’actrice et de metteuse en scène la rapproche davantage de John Cassavetes ou d’Ida Lupino.

En effet, en mêlant le travail d’acteur et l’improvisation, les arts plastiques et le romanesque, elle fait naître chez le spectateur une véritable « ciné-Mania », une « manie » du « mouvement » et de la pensée donnant envie de continuer à la suivre dans ses recherches et ses découvertes artistiques.

FILMOGRAPHIE

Fictions

From Tehran to London (2012), 70 min

One Two One (2011), 79 min.

20 Fingers (2004), 72 min

Documentaires

Life May Be (2014), 80 min

30 minutes to 6 am (2011), 53 min

10 + 4 (2007), 77 min

Courts métrages

In My Country Men Have Breasts (2012), 3 min

Crystal (2003), 54 min